vendredi 25 janvier 2019

Images fantomales


" Espace,
Musique classique, 
Textures
Art sonore"
 
 



 Les nappes synthétiques peuvent être appréhendées de plusieurs façons:

- On peut les envisager comme d'authentiques musiques dont on suivrait les évolutions.
 

- On peut les recevoir comme créatrices de climats, d'ambiances oniriques.
 

- On peut enfin s'en servir dans une perspective plus concrète afin de tester un espace physique et les interactions qu'il entretient avec les sons.

Rattachées aux Tableaux, ces Images Fantomales sont une compilation de différentes textures ambiantes réalisées ces dernières années.

J'écoute assez régulièrement William Basinski dont j'apprécie le choix de matériau et les procédés, cette série de petites miniatures ambiantes s'inspire de sa démarche.

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Tombeau pour Monsieur d'Allonneau


"La Rochelle,
Apparition,
Musicien errant,
Ambiant texture,
La mer, 
L'éternel retour."




J'ai nommé cette pièce d'ambiant en mémoire de Jack Allonneau, bien qu'elle n'ait pas été composée dans ce but je dois le préciser.

En 2017 je faisais une saison comme loueur de vélos à La Rochelle.

La Rochelle, capitale atlantique de la culture France Inter et du steak frite.

L'enfer total pour qui aime la bonne musique et tout ce qui est intellectuellement vivant, de près ou de loin.

Les ravages du tourisme y sont tellement forts que même les musiciens de rue, habituellement marginaux, y sont comme aplanis, formatés au "new age" propret et à la variété internationale.

Un soir, faisant infidélité à l'étuve assourdissante de mon 18m2 sous les toits, j'entends quelque chose de différent surnager dans le brouhaha.

Des notes, un son réverbéré, des mélodies bizarres, je cherche à l'oreille et j'arrive au pied de la Tour de la Chaine.

C'est là que j'ai rencontré Jack.

Il jouait du violon amplifié dans un esprit fiddle irlandais.

Il avait plein de défauts techniques, mais sa musique sonnait juste, au sens d'honnête.

Beaucoup de gens lui donnaient alors même que sa proposition était rugueuse, sa technique approximative et son son complètement destroy.

Je lui ai donné un sou, lui ai fait part de mon plaisir de l'avoir écouté et nous avons sympathisé, c'était vers la fin août.
 

Dix à quinze jours plus tard et après s'être mis dans l'idée de faire un peu de musique ensembles, nous organisions une répé sur son bateau ou il vivait à l'année depuis plus de vingt ans, aux Minimes, conformément à ses convictions écologiques et libertaires.

Car Jack était un soixante huitard, un vrai.

Dans ce lieu exigu quasi autonome qu'il avait conçu et organisé lui même - Jack était
de son métier un artisan tourneur fraiseur, un électronicien ainsi qu'un luthier amateur des plus capables - il avait aménagé un studio de musique confortable avec sa propre diffusion et ses enregistreurs.

Passionné de thermodynamique il m'exposait ses vues sur l'entropie, sur l'énergie, sur la marche du monde et de l'homme, c'était un homme très cultivé issu d'un milieu populaire.

Nous avons commencé à travailler sur deux gigues de Bach dont il était un fervent admirateur depuis qu'il l'avait entendu joué à l'église dans les Deux-Sèvres de son enfance et bien qu'il soit devenu libre penseur depuis.

Après une première répétition, nous convenions d'un répertoire et décidions d'une petite période de temps pour préparer efficacement la prochaine session.

Je suis repassé une fois chez lui pour copier le répertoire sur un CD, j'ai continué ma saison jusqu'à fin septembre puis je suis reparti.

Un matin début octobre, j'ai reçu  un SMS:
C'était sa fille qui m'apprenait que Jack était décédé.

Il était en fait déjà très malade,
il a fait un tour en mer, il a pris froid et tout s'est enchaîné très vite.

Jack aimait Doc Watson, Gwendal et la musique ancienne, pas sûr qu'il aurait goûté ce que je fais et la présente pièce.

Mais ce qui m'a touché, c'est que cet homme singulier est arrivé dans ma vie pour en disparaître à la vitesse d'une bougie qu'on éteint.

En croisant la route de Jack Allonneau, j'ai peut être eu la chance de croiser, un bref instant, celle du musicien éternel - du Poète - seul et pauvre sur le chemin magnifique de la beauté et de la connaissance. 


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